L'idéologie néo-libérale : quelle est-elle et pourquoi est-elle nocive ?
12 Mai 2022
A La République, nous sommes souvent confrontés à cette question :
"Vous dénoncez le néo-libéralisme, mais cela veut tout et rien dire. Comment est-ce que vous le définissez ?" Alors, aujourd'hui, faisons preuve de pédagogie. Expliquons notre vision du néo-libéralisme et pourquoi nous pensons que cette idéologie est nocive.
Selon Michel Foucault, le néolibéralisme est présenté comme une technique de gouvernement, une politique économique et sociale étendant l'emprise des mécanismes du marché à l'ensemble de la vie. Dans un système néo-libéral, l'idée est de réduire au maximum le poids de l'Etat au profit du secteur privé.
Prétendument au nom de la réduction du poids de la dette, c'est effectivement la politique qui a été menée depuis 1986 en France. Il y a de cela 30 ans, l'Etat contrôlait 3500 sociétés et les effectifs salariés atteignaient les 2 350 000 personnes. Fin 2013, l'État contrôlait majoritairement, directement ou indirectement, 1 444 sociétés qui employaient 801 270 salariés. Si la privatisation peut à court terme redonner des liquidités au gouvernement, la cession d'actifs rentables est elle totalement incompréhensible sinon par pure idéologie.
La deuxième idée prônée par le système néo-libéral est d'individualiser l'ensemble des questions afin de ne pas remettre en question le système établi. Ainsi à chaque problème seront toujours préférées des solutions individuelles, l'Etat n'ayant pas à intervenir (c'est l'efficacité du marché prônée par Adam Smith). Sur la question environnementale, nous voyons aujourd'hui en quoi faire reposer l'ensemble des responsabilités sur les citoyens eux-mêmes est un échec. Plus globalement sur l'ensemble des questions, l'intervention de l'Etat est vue comme paternaliste, le libre-arbitre des individus étant vu comme absolu, gommant tout déterminisme culturel et monétaire (sur la question des héritages notamment).
Enfin, depuis les années 1990, la mondialisation a apporté sa pierre à l'édifice de déconstruction du modèle de répartition français. En prônant une concurrence libre et non faussée avec le reste du monde, la production de biens s'est réorientée rapidement vers des pays à faible "coût du travail", entraînant des vagues de délocalisation massives et laissant des régions sinistrées dans l'ensemble des pays développés, ces derniers se tournant vers le secteur tertiaire (marketing, banque, tourisme,...).
Cette politique a engendré une formidable accumulation de richesses dans les mains des industriels ayant pu profiter de la délocalisation de leurs activités, au contraire un chômage massif de la population ouvrière soumise au dumping social et environnemental des autres pays, et globalement un appauvrissement relatif et progressif de l'ensemble de la population française (symbolisé par une balance commerciale fortement déficitaire).
La plupart des biens que nous consommons aujourd'hui sont produits ailleurs, et les bénéfices obtenus sur les seuls biens que nous produisons sont privatisés.
Afin d'encourager la relocalisation des activités, les néo-libéraux, ne souhaitant pas changer le système de libre-échange, insistent sur la nécessité de baisser le "coût du travail" français et d'attirer de riches investisseurs. Le meilleur moyen étant de leur promettre de juteux bénéfices, et donc de les exempter d'impôts : quelle idée de mettre un impôt sur la fortune financière...
Pour baisser le "coût du travail", tous les moyens sont bons : décalage de l'âge de départ à la retraite, diminution des salaires, augmentation des durées légales de travail, recours à l'emploi intérimaire... Il faut flexibiliser le marché de l'emploi, rendre les salariés les plus corvéables possibles.
Comment réindustrialiser dans ces conditions ? Osons le mot : il faudra plus de protectionnisme afin de lutter contre le dumping social et environnemental. Nous ne pouvons être compétitifs dans ce monde si nous souhaitons garder notre système de redistribution des richesses. Pourquoi un riche industriel viendrait-il investir dans un pays "communiste" comme le nôtre ?
Ah, ces gaulois réfractaires au changement...