Angle alpha et dissidence
10 Mai 2022
Avez-vous déjà entendu parler de l’angle Alpha ?
Frédéric Lordon, économiste et directeur de recherche au CNRS, décrit l’angle Alpha comme étant l’écart entre le désir maître (celui de l’employeur) qui a enrôlé des puissances d’agir (les employés) au service des objectifs de l’entreprise et les désirs de ces mêmes employés.
Il en résulte un écart de volontés, une zone d’incertitude, cause de dissonance pour le travailleur. L’angle alpha, c’est un peu votre personnalité dissidente, votre faculté à dire « non » lorsque vous ne désirez pas étouffer vos désirs personnels au profit de désirs autres que les vôtres, le plus souvent à des fins marchandes.
La métaphore de l'angle alpha s'applique aussi au monde politique. La dissidence peut être vu comme une augmentation de l'angle alpha vis-à-vis du pouvoir, progressive jusqu'à atteindre un refus total de coopération ou révolution contre l'ordre établi (que Frédéric Lordon appelle le devenir perpendiculaire). Au contraire, la soumission aveugle à l'autorité (quelles que soient ses convictions politiques propres) relève d'un alignement total du désir propre avec le désir maître.
Au-delà d'un simple plaisir de théoricien du capitalisme, cette métaphore aide à comprendre que le rôle de toute politique dissidente, critique de l'ordre établi, est avant tout de convaincre, de façon pédagogique, de la possibilité d'un devenir perpendiculaire, d'une alternative, et de s'opposer aux forces de réalignement avec le désir maître.